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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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que j'achete, mais que j'en prends soin, que
je m'en fais honneur, et qu'elles ne sauraient
etre mieux qu'entre mes mains."

A ces mots il tira mon ombre de sa poche,
et la jetant a ses pieds du cote du soleil, en
la deroulant avec dexterite, il se trouva avoir
deux ombres a sa suite, car la mienne obeis-
sait, comme la sienne, a tous ses mouvemens.

Quand apres un temps si long je revis en-
fin ma malheureuse ombre, et la retrouvai dans
cet odieux servage, alors que son absence ve-
nait de me jeter dans une telle detresse, je
sentis mon coeur se briser, et des torrens de
larmes ameres s'echapperent de mes yeux. Ce-
pendant, l'odieux homme gris souriant avec or-
gueil a sa conquete, et la promenant devant
mes yeux, osa me renouveler impudemment sa
proposition:

"Il tient encore a vous, allons, un trait
de plume, Monsieur, et vous sauverez cette
pauvre Mina d'entre les griffes d'un vil scele-
rat, pour la presser avec amour sur votre sein.
Allons, comte, un trait de plume!" A ces mots
mes larmes redoublerent, mais je detournai mon
visage, et lui fis signe de s'eloigner.

que j’achète, mais que j’en prends soin, que
je m’en fais honneur, et qu’elles ne sauraient
être mieux qu’entre mes mains.»

A ces mots il tira mon ombre de sa poche,
et la jetant à ses pieds du côté du soleil, en
la déroulant avec dextérité, il se trouva avoir
deux ombres à sa suite, car la mienne obéis-
sait, comme la sienne, à tous ses mouvemens.

Quand après un temps si long je revis en-
fin ma malheureuse ombre, et la retrouvai dans
cet odieux servage, alors que son absence ve-
nait de me jeter dans une telle détresse, je
sentis mon coeur se briser, et des torrens de
larmes amères s’échappèrent de mes yeux. Ce-
pendant, l’odieux homme gris souriant avec or-
gueil à sa conquête, et la promenant devant
mes yeux, osa me renouveler impudemment sa
proposition:

«Il tient encore à vous, allons, un trait
de plume, Monsieur, et vous sauverez cette
pauvre Mina d’entre les griffes d’un vil scélé-
rat, pour la presser avec amour sur votre sein.
Allons, comte, un trait de plume!» A ces mots
mes larmes redoublèrent, mais je détournai mon
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[63/0085] que j’achète, mais que j’en prends soin, que je m’en fais honneur, et qu’elles ne sauraient être mieux qu’entre mes mains.» A ces mots il tira mon ombre de sa poche, et la jetant à ses pieds du côté du soleil, en la déroulant avec dextérité, il se trouva avoir deux ombres à sa suite, car la mienne obéis- sait, comme la sienne, à tous ses mouvemens. Quand après un temps si long je revis en- fin ma malheureuse ombre, et la retrouvai dans cet odieux servage, alors que son absence ve- nait de me jeter dans une telle détresse, je sentis mon coeur se briser, et des torrens de larmes amères s’échappèrent de mes yeux. Ce- pendant, l’odieux homme gris souriant avec or- gueil à sa conquête, et la promenant devant mes yeux, osa me renouveler impudemment sa proposition: «Il tient encore à vous, allons, un trait de plume, Monsieur, et vous sauverez cette pauvre Mina d’entre les griffes d’un vil scélé- rat, pour la presser avec amour sur votre sein. Allons, comte, un trait de plume!» A ces mots mes larmes redoublèrent, mais je détournai mon visage, et lui fis signe de s’éloigner.

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 63. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/85>, abgerufen am 19.04.2024.