mon conseil, vous racheterez votre ombre que je vous rapporte, et retournerez sur-le-champ sur vos pas; vous serez le bien-venu dans le jardin de l'inspecteur, et tout ce qui s'est passe n'aura ete qu'une espieglerie. Quant a Rascal, qui vous a trahi, et qui vous supplante aupres de votre maeitresse, j'en fais mon affaire, le scelerat est maur."
Je crus rever, "Annonce son retour pour aujourd'hui." J'y reflechis de nouveau, il avait raison, je m'etais constamment trompe d'un jour dans mon calcul. Ma main cherchait la bourse dans mon sein. L'homme en habit gris devina ma pensee, et reculant de deux pas: "Non, M. le comte, me dit-il, elle est en trop bonne main; conservez-la." Je l'interrogeais d'un re- gard fixe et etonne; il poursuivit: Je ne de- mande qu'une legere marque de votre souvenir; vous voudrez bien me signer ce billet." Le parchemin contenait ces mots:
Je soussigne, legue au porteur du pre- sent, mon ame, apres sa separation na- turelle de mon corps.
Muet d'etonnement, je considerais tour-a- tour et le billet et l'inconnu. Il avait cepen-
mon conseil, vous racheterez votre ombre que je vous rapporte, et retournerez sur-le-champ sur vos pas; vous serez le bien-venu dans le jardin de l’inspecteur, et tout ce qui s’est passé n’aura été qu’une espiéglerie. Quant à Rascal, qui vous a trahi, et qui vous supplante auprès de votre maîtresse, j’en fais mon affaire, le scélérat est mûr.»
Je crus rêver, «Annoncé son retour pour aujourd’hui.» J’y réfléchis de nouveau, il avait raison, je m’étais constamment trompé d’un jour dans mon calcul. Ma main cherchait la bourse dans mon sein. L’homme en habit gris devina ma pensée, et reculant de deux pas: «Non, M. le comte, me dit-il, elle est en trop bonne main; conservez-la.» Je l’interrogeais d’un re- gard fixe et étonné; il poursuivit: Je ne de- mande qu’une légère marque de votre souvenir; vous voudrez bien me signer ce billet.» Le parchemin contenait ces mots:
Je soussigné, lègue au porteur du pré- sent, mon âme, après sa séparation na- turelle de mon corps.
Muet d’étonnement, je considérais tour-à- tour et le billet et l’inconnu. Il avait cepen-
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mon conseil, vous racheterez votre ombre que
je vous rapporte, et retournerez sur-le-champ
sur vos pas; vous serez le bien-venu dans le
jardin de l’inspecteur, et tout ce qui s’est passé
n’aura été qu’une espiéglerie. Quant à Rascal,
qui vous a trahi, et qui vous supplante auprès
de votre maîtresse, j’en fais mon affaire, le
scélérat est mûr.»
Je crus rêver, «Annoncé son retour pour
aujourd’hui.» J’y réfléchis de nouveau, il avait
raison, je m’étais constamment trompé d’un jour
dans mon calcul. Ma main cherchait la bourse
dans mon sein. L’homme en habit gris devina
ma pensée, et reculant de deux pas: «Non,
M. le comte, me dit-il, elle est en trop bonne
main; conservez-la.» Je l’interrogeais d’un re-
gard fixe et étonné; il poursuivit: Je ne de-
mande qu’une légère marque de votre souvenir;
vous voudrez bien me signer ce billet.» Le
parchemin contenait ces mots:
Je soussigné, lègue au porteur du pré-
sent, mon âme, après sa séparation na-
turelle de mon corps.
Muet d’étonnement, je considérais tour-à-
tour et le billet et l’inconnu. Il avait cepen-
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 59. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/81>, abgerufen am 17.06.2024.
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