Apres avoir monte la longue rue du Nord et passe la barriere, je vis bientot briller les colonnes a travers les arbres qui bordaient la route. C'est donc ici, me dis-je. J'essuyai avec mon mouchoir la poussiere de mes souliers, j'ar- rangeai les plis et le noeud de ma cravate, et, a la garde de Dieu, je tirai le cordon de la sonnette. La porte s'ouvrit. Il me fallut d'abord essuyer un interrogatoire, mais enfin le portier voulut bien me faire annoncer, et j'eus l'hon- neur d'etre appele dans le parc, ou M. John se promenait avec sa societe. Je le reconnus aisement a l'air de suffisance qui regnait sur son visage arrondi. J'eus a me louer de son accueil, qui toutefois ne me fit pas oublier la distance, qui separe un homme riche d'un pau- vre diable. Il fit un mouvement vers moi, sans pourtant se separer de sa societe, prit la lettre de recommandation que je lui presentais, et dit en en regardant l'adresse: "De mon frere! il "y a bien long-temps que je n'ai entendu parler "de lui." Il se porte bien? -- Et sans atten- dre ma reponse, il se retourna vers son monde, montrant avec la lettre une colline qui s'elevait a quelque distance. -- "C'est la, dit-il, que je
Après avoir monté la longue rue du Nord et passé la barrière, je vis bientôt briller les colonnes à travers les arbres qui bordaient la route. C’est donc ici, me dis-je. J’essuyai avec mon mouchoir la poussière de mes souliers, j’ar- rangeai les plis et le noeud de ma cravate, et, à la garde de Dieu, je tirai le cordon de la sonnette. La porte s’ouvrit. Il me fallut d’abord essuyer un interrogatoire, mais enfin le portier voulut bien me faire annoncer, et j’eus l’hon- neur d’être appelé dans le parc, où M. John se promenait avec sa société. Je le reconnus aisément à l’air de suffisance qui régnait sur son visage arrondi. J’eus à me louer de son accueil, qui toutefois ne me fit pas oublier la distance, qui sépare un homme riche d’un pau- vre diable. Il fit un mouvement vers moi, sans pourtant se séparer de sa société, prit la lettre de recommandation que je lui présentais, et dit en en regardant l’adresse: «De mon frère! il «y a bien long-temps que je n’ai entendu parler «de lui.» Il se porte bien? — Et sans atten- dre ma réponse, il se retourna vers son monde, montrant avec la lettre une colline qui s’élevait à quelque distance. — «C’est là, dit-il, que je
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Après avoir monté la longue rue du Nord
et passé la barrière, je vis bientôt briller les
colonnes à travers les arbres qui bordaient la
route. C’est donc ici, me dis-je. J’essuyai avec
mon mouchoir la poussière de mes souliers, j’ar-
rangeai les plis et le noeud de ma cravate, et,
à la garde de Dieu, je tirai le cordon de la
sonnette. La porte s’ouvrit. Il me fallut d’abord
essuyer un interrogatoire, mais enfin le portier
voulut bien me faire annoncer, et j’eus l’hon-
neur d’être appelé dans le parc, où M. John
se promenait avec sa société. Je le reconnus
aisément à l’air de suffisance qui régnait sur
son visage arrondi. J’eus à me louer de son
accueil, qui toutefois ne me fit pas oublier la
distance, qui sépare un homme riche d’un pau-
vre diable. Il fit un mouvement vers moi, sans
pourtant se séparer de sa société, prit la lettre
de recommandation que je lui présentais, et dit
en en regardant l’adresse: «De mon frère! il
«y a bien long-temps que je n’ai entendu parler
«de lui.» Il se porte bien? — Et sans atten-
dre ma réponse, il se retourna vers son monde,
montrant avec la lettre une colline qui s’élevait
à quelque distance. — «C’est là, dit-il, que je
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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 2. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/18>, abgerufen am 29.03.2023.
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