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Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838.

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scene commune. Tout cela me semble aujourd'-
hui miserable et ridicule, et je m'effraie cepen-
dant de trouver ridicule et miserable, ce qui
alors, source d'emotions, gonflait ma poitrine et
precipitait les mouvemens de mon coeur. Je
pleure, Mina, comme au jour ou je te perdis.
Je pleure d'avoir perdu mes douleurs et ton
image. Suis-je donc devenu si vieux? O! cruelle
raison!.... seulement encore un battement de
mon coeur! un instant de ce songe! un souve-
nir de mes illusions! Mais non, je vogue so-
litaire sur le cours decroissant du fleuve des
ages, et la coupe enchantee est tarie.

Bendel avait pris les devants pour me pro-
curer un logement convenable a ma situation.
L'or qu'il sema a pleines mains, et l'ambiguite
de ses expressions sur l'homme de distinction
qu'il servait (car je n'avais pas voulu qu'il me
nommat), inspirerent au bon peuple de cette pe-
tite ville une singuliere idee. Des que ma mai-
son fut prete a me recevoir, Bendel vint me
retrouver, et je continuai avec lui mon voyage.

La foule nous barra le chemin environ a
une lieue de la ville, dans un endroit decou-
vert. La voiture s'arreta; le son des cloches,

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scène commune. Tout cela me semble aujourd’-
hui misérable et ridicule, et je m’effraie cepen-
dant de trouver ridicule et misérable, ce qui
alors, source d’émotions, gonflait ma poitrine et
précipitait les mouvemens de mon coeur. Je
pleure, Mina, comme au jour où je te perdis.
Je pleure d’avoir perdu mes douleurs et ton
image. Suis-je donc devenu si vieux? O! cruelle
raison!.... seulement encore un battement de
mon coeur! un instant de ce songe! un souve-
nir de mes illusions! Mais non, je vogue so-
litaire sur le cours décroissant du fleuve des
âges, et la coupe enchantée est tarie.

Bendel avait pris les devants pour me pro-
curer un logement convenable à ma situation.
L’or qu’il sema à pleines mains, et l’ambiguité
de ses expressions sur l’homme de distinction
qu’il servait (car je n’avais pas voulu qu’il me
nommât), inspirèrent au bon peuple de cette pe-
tite ville une singulière idée. Dès que ma mai-
son fut prête à me recevoir, Bendel vint me
retrouver, et je continuai avec lui mon voyage.

La foule nous barra le chemin environ à
une lieue de la ville, dans un endroit décou-
vert. La voiture s’arrêta; le son des cloches,

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[35/0055] scène commune. Tout cela me semble aujourd’- hui misérable et ridicule, et je m’effraie cepen- dant de trouver ridicule et misérable, ce qui alors, source d’émotions, gonflait ma poitrine et précipitait les mouvemens de mon coeur. Je pleure, Mina, comme au jour où je te perdis. Je pleure d’avoir perdu mes douleurs et ton image. Suis-je donc devenu si vieux? O! cruelle raison!.... seulement encore un battement de mon coeur! un instant de ce songe! un souve- nir de mes illusions! Mais non, je vogue so- litaire sur le cours décroissant du fleuve des âges, et la coupe enchantée est tarie. Bendel avait pris les devants pour me pro- curer un logement convenable à ma situation. L’or qu’il sema à pleines mains, et l’ambiguité de ses expressions sur l’homme de distinction qu’il servait (car je n’avais pas voulu qu’il me nommât), inspirèrent au bon peuple de cette pe- tite ville une singulière idée. Dès que ma mai- son fut prête à me recevoir, Bendel vint me retrouver, et je continuai avec lui mon voyage. La foule nous barra le chemin environ à une lieue de la ville, dans un endroit décou- vert. La voiture s’arrêta; le son des cloches, *

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Zitationshilfe: Chamisso, Adelbert von: MERVEILLEUSE HISTOIRE DE PIERRE SCHLÉMIHL. Paris, 1838, S. 35. In: Deutsches Textarchiv <https://www.deutschestextarchiv.de/19_ZZ_2786/55>, abgerufen am 30.04.2024.